Le pantalon, un support d'égalité
Musée BELLEVUE
En quoi le pantalon a t-il été le support de l'égalité en France à travers le temps ?
L’égalité entre les hommes et les femmes ne va pas de soi. Il suffit de remonter l’histoire du XXème siècle pour s’en rendre compte. Il y a 50 ans une femme ne pouvait pas travailler sans l’autorisation de son mari, il y a 65 ans une femme ne pouvait pas voter, il y a un siècle une femme ne pouvait pas disposer de son salaire.
Tout au long du XXème siècle, les femmes se sont battues pour acquérir ces droits et cherchent encore aujourd'hui à obtenir une réelle égalité avec les hommes ( salaires égaux, carrières similaires…). Le pantalon a été un support important de cette émancipation durant cette période malgré une ordonnance de 1800 qui interdisait aux femmes de le porter sans l'autorisation expresse de la préfecture de police la plus proche, ordonnance qui n'a été abolie que très récemment en 2013. [1]
A l'issue de la première guerre mondiale, en 1920, apparaît le style à à la garçonne largement diffusé par Coco Chanel pionnière de cette mode. Elle marque le refus par la bourgeoisie, le milieu artistique et les marginaux des conventions sociales de « la belle époque », période d'avant guerre. Cette mode se développe donc dans la période d'entre deux guerre, un contexte de libération et d’exaltation générale que l'on appellera les années folles. Les femmes, opprimées par la guerre où elles ont du remplacer les hommes au travail, se rebellent : elle vont au bar, fument, raccourcissent leur cheveux pour ressembler aux hommes et se libérer des anciennes conventions, raccourcissent leurs jupes, se dévoilent et lancent ainsi la mode des vêtements courts et simples.[2]
Ainsi la haute couture s'adapte à cette tendance, et les grands créateurs sortent des collections plus masculines, des pantalons de soirée en tissus légers et luxueux, très larges, pouvant rappeler la jupe et d'inspiration orientale.

Lady Sybil dans la série Dontown Abbey
Cette diffusion de la mode à la garçonne se ressent notamment dans les loisirs sportifs avec l'apparition de jupes-culottes, sorte de pantalons larges avec une jupe drapée dessus, particulièrement adaptées à l'usage de la bicyclette, du ski et du tennis.[3]

La jupe-culotte pour la pratique du vélo
Certaines féministes portent même le costume masculin afin de dissuader les violeurs et les suiveurs. [2]

Femme en costume dans les années 20
Mais le port du pantalon par les femmes, chose qui n'avait été que très rare auparavant, ne reste qu'occasionnel, pour les fêtes ou le sport et ne concerne alors que des milieux privilégiés ( bourgeoisie...) ou marginaux (artistes). Dans une société dominée par les hommes il a en effet très mauvaise réputation. Les femmes portent donc principalement des robes et des jupes.

Femmes dans la rue dans les années 20
En revanche, dès le début des années 30, le pantalon, qui est resté un vêtement de parure pour les milieux aisés et un habit pratique pour le sport, se popularise grâce au magazine de mode Vogue notamment sur la cote d'azur ou il devient à la fois un vêtement de soirée, d’intérieur , de loisirs et de plage ( Le Pyjama de plage ). [5]

Le pyjama de plage
Malgré cette diffusion du style masculin et cette libération dans la mode féminine, l'ordonnance de 1800 qui stipulait que « Toute femme désirant s'habiller en homme, doit se présenter à la préfecture de police pour en obtenir l'autorisation. » est utilisée en 1930 lors du procès de la sportive Violette Morris qui avait porté plainte contre la fédération sportive qui avait refusé de renouveler sa licence.
Cependant, durant la Seconde Guerre Mondiale( 1939-1945), le port du pantalon s'impose aux femmes des classes plus modestes qui prennent la place de leurs maris partis au front dans les milieux agricole et ouvrier (usines) pour des raisons de commodité. [3]


Femmes aux champs et à l'usine en pantalon de travail.
Néanmoins, la jupe et la robe restent leur tenue quotidienne pour des raisons d'économies , les tissus étant rationnés comme les autres denrées. Ce rationnement se répercute notamment dans la haute couture : les grands couturiers ne peuvent plus travailler et lancer de nouvelles tendances, les femmes trouvent des arrangements vestimentaires dans ce contexte particulier.[4]
L’émancipation des femmes par le pantalon est donc ralentie malgré l'obtention du droit de vote des femmes en 1944.
Au début des années 50, après la libération en 1945, Les grandes maisons de couture rouvrent. Très influencée par la mode américaine, notamment grâce au Plan Marshall [6], la nouvelle mode des enfants du « baby boom » est très décontractée : jeans, tee-shirts, pantalons corsaires, pulls moulants… C'est le début du prêt a porter. [5]


Audrey Hepburn & Marilyne Monroe en pantalons corsaires et pulls moulants dans les années 50.
Le style vestimentaire de la nouvelle génération entre donc en opposition avec celui de la génération précédente qui adopte le style « New Look » de Christian Dior,une mode très habillée, très chic et sophistiquée.


Robes de la collection "New Look" de Christian Dior dans les années 50.
Le port du pantalon reste toutefois « schizophrénique » : seul Givenchy propose dans sa collection un pantalon d'été coupé au dessus de la cheville et porté pour les loisirs.[5]
Dans les années 60, le pantalon est porté par toutes les générations. Le smoking, symbole du pouvoir absolu chez les hommes devient émancipateur chez la femme, plus particulièrement grâce au smoking de Yves Saint Laurent en 1957, qui fait sensation dans le milieux de la mode.

Smoking pour femme Yves Saint Laurent
Malgré cela, le pantalon reste interdit dans la plupart des métiers, notamment de la presse féminine, jusqu'en 1968 où il devient un véritable vêtement de contestation : le MLF, mouvement de libération de la femme, mènera ses premières action en pantalon. Le pantalon devient donc le symbole d'une mode unisexe, d'une mixité vestimentaire. [5]

Mouvement militantiste du MLF à la fin des années 60.
En 1967, André Courrèges contribuera à cette émancipation de la femme en proposant des collections mélangeant pantalon et jupes très courtes qui dévoilent la femme auparavant tenue de cacher son corps : c'est la minijupe. [6]
